La circulation des fausses informations à l’ère de Covid 19

Alkanounia.info – Ayoub Lahlou

 Lauréat du Mster « Juriste d’affaires » à Fes

INTRODUCTION

La crise du coronavirus au Maroc, au-delà de son impact sanitaire et économique, a mis la lumière sur un autre fléau : la propagation de rumeurs et de fausses informations créant au sein de la population un sentiment de panique et induisant en erreur l’opinion publique exposée à une « infobésité » exponentielle[1]. Il s’agit d’un problème international qui transgresse les frontières. C’est un phénomène aussi dangereux que la pandémie elle-même, qui rend la discrimination de l’information très compliquée pour le grand public qui croule sous un déluge de données.

En droit marocain comme en droit français, la diffusion de fausse nouvelle( fake news) est une infraction pénale prévue dans l’article 72 de la loi 88-13 relative à la presse et l’édition[2] qui prévoit que « Est punie d’une amende de 20.000 à 200.000 dirhams quiconque a publié, diffusé ou transmis, de mauvaise foi, une nouvelle fausse, des allégations, des faits inexacts, des pièces fabriquées ou falsifiées attribuées à des tiers, lorsque ses actes auront troublé l’ordre public ou suscité la frayeur parmi la population et ce, quel que soit le moyen utilisé notamment par discours, cris ou menaces proférés dans les lieux ou réunions publics, par des écrits, des imprimés vendus, distribués, mis en vente ou exposés dans les lieux ou réunions publics, par des placards ou affiches exposés aux regards du public, ou par les différents moyens d’information audiovisuelle ou électronique et tout autre moyen utilisant à cet effet un support électronique.  »

Il en découle donc de cette disposition que pour qu’il y ait une fausse nouvelle, il faut que certaines conditions fondamentales soient réunies :

  • il faut qu’un comportement matériel soit dégagé tel que la diffusion des fausses informations , des allégations ou des pièces fabriquées ou falsifiées .
  • il faut qu’un comportement moral soit dégagé qui réside dans l’intention de nuire à autrui.
  • Troubler l’ordre public ou susciter la frayeur et la panique au sein de la population .

 Comme on le voit , la nouvelle doit être fausse, c’est-à-dire mensongère, erronée ou inexacte dans la matérialité du fait et dans les circonstances. Elle peut également prendre plusieurs formes ( internet, médias et réseaux sociaux..).

Dans cette perspective, les débats sur les fausses nouvelles ont pris une ampleur singulière en 2016, tout d’abord en Grande-Bretagne, avec la victoire des partisans du Brexit lors du référendum sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne, puis aux États-Unis, avec l’élection de Donald Trump.

De même, la circulation massive d’informations sur le net met en quelque sorte les médias professionnels et les autres sur un pied d’égalité. [3] Les fausses informations sur l’épidémie de coronavirus se répandent comme une traînée de poudre. Elles ne connaissent pas de frontières et se propagent à la vitesse de la lumière. Les rumeurs et fausses informations fleurissent depuis le début de l’épidémie de coronavirus 2019-nCoV.

Les fausses informations peuvent susciter des mouvements de panique, comme une ruée vers les masques chirurgicaux, des services d’urgence encombrés, ou, au contraire, des personnes présentant des symptômes qui préfèrent ne pas se signaler par peur de mesures de rétorsion imaginaires.

Face à cette situation, plusieurs questions surgissent : quel est le rôle des médias dans le processus de diffusions de fausses informations ? ensuite quels sont les mécanismes juridiques mis en place pour faire face aux fausses informations ?. ces interventions législatives touchent-elles les libertés privées des individus ?

Pour répondre à ces questions , il nous parait utile consacrer la première partie au rôle joué par les médias dans le processus de diffusion des fausses informations (I). Tandis que la deuxième partie est tournée autours des mécanismes juridiques destinés pour lutter contre les fausses nouvelles (II).

I – Le rôle des médias dans la diffusion des fausses informations

II Les mécanismes juridiques mis en place afin de faire face aux fausses nouvelles.

I. Le rôle des médias dans la diffusion des fausses informations

De nos jours, les réseaux sociaux constituent un lieu propice pour la diffusion des informations ou de nouvelles erronées. Le coronavirus donne lieu à une multiplication de fausses informations, largement partagées sur internet. Un défi majeur pour le gouvernement et les réseaux sociaux, à mesure que se répand l’épidémie.[4] On va mettre l’accent tout d’abord sur le role des médias dans la création des sentiments de panique chez les internautes (A) ensuite leurs effets désastreux. (B).

A. Les fausses informations et leurs contributions aux mouvements du panique

Face au sentiment de panique ambiant dû au coronavirus, les fake news se propagent à vitesse grand  sur les réseaux sociaux. Consommer de l’alcool, consommer des stupéfiants, se raser la barbe, boire de l’eau toutes les 15 minutes, ingurgiter de la javel… Toutes ces fausses informations sur l’origine ou sur les moyens de se prémunir du virus, sont partagées à grande échelle sur Facebook et Twitter.

Ces fausses informations [5], fréquentes sur les problèmes et risques de santé, circulent à une grande vitesse sur les réseaux sociaux. Le risque n’est pas très loin de la peur, pas très loin de l’angoisse. Il est donc très facile de produire de la désinformation autour de ces thématiques-là.

On ne maîtrise pas le virus, on ne le comprend pas complètement, il vient d’un pays qui n’est pas transparent et l’usage des réseaux sociaux est très développé. L’explosion de l’offre et des outils médiatiques fait que cela prend très rapidement une proportion très importante. Cet affolement provient en grande partie des exagérations de la presse, qui sait que la peur ” fait vendre “.[6]

Parmi les rumeurs ou intox circulant à propos du coronavirus Covid-19 l’infection de  l’ambassadeur du Maroc en Chine  par le virus Corona, la publication de clips vidéo contenant de fausses et des données truquées sur l’enregistrement des infections présumées dans différentes régions du Maroc, et la “fabrication” de données officielles concernant les institutions étatiques. Tout est donc réuni pour favoriser la désinformation et les rumeurs .

Il faut noter les efforts des réseaux sociaux contre les fake news. Dans ce cadre, Facebook, Twitter et Google (dont YouTube) ont aussi renforcé leurs politiques existantes, qui consistent à retirer les contenus pouvant nuire physiquement au public, des publicités pour des faux remèdes dangereux, par exemple, et à mettre en avant les messages fiables (comme ceux de l’OMS).

Le réseau social dominant s’appuie aussi sur le « Third party fact-checking », son programme de vérification par des tiers développé depuis 2016.  Facebook rémunère une soixantaine de médias à travers le monde, généralistes ou spécialisés pour l’utilisation de leurs « fact-checks » sur sa plateforme et sur Instagram.[7]

Le réseau réduit fortement l’audience des vidéos ou articles étiquetés comme faux par ces vérificateurs externes.

B. Les effets désastreux des fausses informations

Comme on l’a vu, fake news constitue le terreau fertile de création des mouvements de panique[8] chez les citoyens vu qu’elles ont des répercussions néfastes sur le moral des internautes. En Iran, 44 personnes sont mortes intoxiquées après avoir bu de l’alcool frelaté, à la suite d’une rumeur selon laquelle les boissons alcoolisées aideraient à guérir du nouveau coronavirus, selon l’agence officielle iranienne . Il n’est plus un secret que la lutte contre les fake news représente donc un défi majeur pour le gouvernement et les réseaux sociaux. Mais celle-ci s’intensifie avec cette crise sanitaire.[9].

Il est difficile en effet de retrouver la source d’une fausse information, d’autant plus qu’elle peut être partagée durant plusieurs mois ou années. Faute de pouvoir identifier l’émetteur, il serait sans doute aussi judicieux de sensibiliser le récepteur. En effet, quelques réflexes suffisent souvent pour démasquer une fake news et ne pas contribuer à son succès en la relayant : analyser la source et sa crédibilité, recouper l’information, vérifier qu’un démenti n’a pas déjà été publié, etc. Il en irait ainsi de la responsabilité de chacun. De même, inculquer ces méthodes dans les écoles constituerait probablement une démarche efficace. Éduquer aux médias et développer l’esprit critique des jeunes leur permettrait d’être plus vigilants face à la multitude d’informations qu’ils découvrent chaque jour sur les médias sociaux. C’est en tout cas la solution préconisée par Mohamed Ezzouak, directeur de publication du site Yabiladi, qui incite ses journalistes à aller dans les établissements scolaires pour former les élèves.[10]

II. Les mécanismes juridiques mis en place pour  lutter contre les fausses informations

On désigne par les mécanismes juridiques tout un arsenal juridique mis en place pour faire face aux fausses informations ainsi que les mesures prises par le gouvernement. Dans ce cadre, il est nécessaire de mettre l’accent sur les lois et leurs rôles dans la limitation de libertés privées des personnes(A ), avant de se pencher sur le fondement de ces textes (B).

A. La dissuasion des informations mensongères publiées via internet

Les fausses rumeurs se multiplient sur internet, à mesure que l’épidémie de coronavirus Covid-19 gagne du terrain.

Face aux nouvelles incessantes qui envahissent les réseaux sociaux, le législateur marocain est intervenu à travers tout un arsenal juridique ayant pour finalité de lutter contre la diffusion de fausses nouvelles via internet.

Il en est ainsi de la loi 07-03[11] complétant le code pénal en ce qui concerne les infractions relatives aux systèmes de traitement automatisé des données, ensuite la loi 03-03 pour lutter contre le terrorisme  et enfin la loi 08-09[12] relative à la protection des données à caractère personnel.

Aux cotés de ces lois, il nous parait nécessaire de citer le nouveau projet de loi relative à  l’encadrement de l’usage des réseaux sociaux et similaires.[13]Ce projet de loi est venu pour lutter contre les fausses informations notamment à l’époque de covid19.

Il s’agit du nouveau projet de loi 22-20[14]. Cette loi vient pour compléter l’arsenal législatif existant et s’attaque à la diffusion extrêmement rapide des fausses nouvelles sur le web et les réseaux sociaux.

La multiplication de la diffusion de fake news sur les réseaux sociaux, particulièrement en cette période de confinement, afin de semer la panique dans le rang de la population, a conduit à l’examen d’un nouveau projet  de loi. Une vingtaine de personnes ont été arrêtées par les services de l’ordre dans tout le royaume. Les mis en cause, dans leur grande partie, ignorent la gravité de leurs actes.

De même une massive de conférences mises en place par le gouvernement marocain,  une forte compagne de sensibilisation. Il n’y a pas d’antidote ni de vaccin, il faut s’en remettre à la prévention: le lavage des mains avec du savon, éviter les rassemblements et les endroits mal aérés, éternuer dans son coude, etc.

De ce qui précède, ceux qui diffusent de fausses informations sur la propagation de la maladie du coronavirus au Maroc seront traduits devant la justice. Ainsi, la note affirme que le ministère public a transmis aux procureurs «des instructions fermes» pour «la poursuite de toute personne qui répand des informations erronées au sujet du coronavirus, et susceptibles de semer la terreur parmi la population ou de porter un trouble à l’ordre public» Le code pénal marocain prévoit dans son article 72 des amendes allant de 20.000 à 200.000 dirhams (4.950 à 49.500 euros) contre toute personne qui a «publié, diffusé ou transmis, de mauvaise foi, une nouvelle fausse, des allégations, des faits inexacts […]».

Les dispositions de la nouvelle loi vont s’appliquer aux internautes installés sur le territoire marocain et usant des réseaux sociaux pour une large diffusion volontaire des fausses informations. Tout en réaffirmant la garantie de la liberté d’expression, la nouvelle loi va s’appliquer aux personnes mal intentionnées, car nul n’est censé ignorer la loi.

B. Lutte contre les fausses  informations et la vie privée des individus

Ce projet de loi précité peut soulever des interrogations quant à sa conformité à la Constitution ainsi qu’à la Convention européenne des droits de l’homme.

Depuis plusieurs scrutins, le web est devenu un lieu d’information comme de désinformation et à celui qui fera le plus porter sa voix numérique. les Facebook, Twitter et autres Google s’organisent pour mieux lutter contre les “fake news”.

De sa part, Facebook affirme avoir tiré les enseignements des derniers suffrages à travers le monde pour épurer sa plateforme des contenus plus ou moins volontairement trompeurs et autres “fake news”.

Twitter et Google (dont YouTube) ont aussi renforcé leurs politiques existantes, qui consistent à retirer les contenus pouvant nuire physiquement au public, des publicités pour des faux remèdes dangereux, par exemple, et à mettre en avant les messages fiables (comme ceux de l’OMS).

Le réseau social dominant s’appuie aussi sur le « Third party fact-checking », son programme de vérification par des tiers développé depuis 2016. Facebook rémunère une soixantaine de médias à travers le monde, généralistes ou spécialisés pour l’utilisation de leurs « fact-checks» sur sa plateforme et sur Instagram. Par conséquent, ces mesures là ne touchent elles pas la vie privée des individus ?

A la suite de covid 19 et partout dans le pays, les autorités adressent des alertes sur les téléphones de ceux qui vivent ou travaillent dans des quartiers où de nouveaux cas sont confirmés.

Anxiogène selon certains, le message précise les lieux dans les alentours qui ont été fréquentés par les malades avant qu’ils ne soient diagnostiqués, ainsi que leurs liens avec les autres personnes contaminées.[15]

Aux grands maux, les grands remèdes. Et pour cause : près de trois milliards d’être humains sont aujourd’hui forcés de vivre confinés chez eux pour limiter la propagation du Covid-19, qui à ce jour a officiellement tué près de 17.000 personnes sur tous les continents. En complément du confinement, les autorités d’un nombre grandissant de pays n’hésitent plus à employer un autre “grand remède”, quitte à raboter encore un peu plus les libertés individuelles et le respect de la vie privée de leurs citoyens : le traçage de ces derniers par le biais de leur téléphone portable.

La bataille autour du virus pourrait être l’argument décisif dans l’actuelle bataille autour des données personnelles, car lorsqu’il faut choisir entre droit à la vie privée et santé, les gens généralement privilégient la santé.[16]

conclusion

Pour conclure, il nous parait clairement que l’humanité est actuellement confrontée à une crise mondiale. Peut-être la plus grave de notre génération.  Les fausses nouvelles risquent  de bouleverser notre vie. Elles affecteront non seulement nos systèmes de santé, mais aussi notre économie, notre économie ,notre politique et notre culture.

On est devant un choix.  Pour en faire face, il est nécessaire de mobiliser tous les acteurs dans un  un cadre de  solidaire.

Table des matières

  1. le rôle des médias dans la diffusion des fausses informations. 3
  2. Les fausses informations et leurs contributions aux mouvements du panique. 3
  3. Les effets désastreux des fausses informations. 5
  4. Les mécanismes juridiques mis en place pour lutter contre les fausses informations : 5
  5. La dissuasion des informations mensongères publiées via internet : 6
  6. Lutte contre les fausses informations et la vie privée des individus. 7

Références

Loi 88-13 relative à la presse et l’édition marocaine.

  • notretemps.com
  • rtl.fr
  • François-Bernard Huyghe ,« La désinformation : les armes du faux: Les armes du faux », Editeur : Armand Colin (10 février 2016), p16.

·         Le Docteur Raoult a écrit son livre en un mois. « Epidémies, vrais dangers et fausses alertes» , fait le point sur les connaissances de la science. Il consacre un chapitre aux coronavirus.

  • Dahir n° 1-09-15 du 22 safar 1430 (18 février 2009) portant promulgation de la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel.
  • medias24.com
  • Le nouveau projet de loi 22-20 qui s’attaque à la diffusion extrêmement rapide des fausses nouvelles sur le web et les réseaux sociaux.
  • nouvelobs.com

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[1]ledesk.ma

[2] Loi 88-13 relative à la presse et l’édition marocaine.

[3].notretemps.com

[4] rtl.fr

[5]François-Bernard Huyghe ,« La désinformation : les armes du faux: Les armes du faux », Editeur : Armand Colin (10 février 2016), p16.

[6]Le Docteur Raoult a écrit son livre en un mois. « Epidémies, vrais dangers et fausses alertes» , fait le point sur les connaissances de la science. Il consacre un chapitre aux coronavirus.

[7]wikipedia.org

[8] Jean pierre Dedet« Les épidémies », Collection : UniverSciences, Dunod ; p : 129 ;2010.

[9] rtl.fr

[10] linkedin.com

[11] LOI 07-03 COMPLÉTANT LE CODE PÉNAL EN CE QUI CONCERNE LES INFRACTIONS RELATIVES AUX SYSTÈMES DE TRAITEMENT AUTOMATISÉ DES DONNÉES.

[12] Dahir n° 1-09-15 du 22 safar 1430 (18 février 2009) portant promulgation de la loi n° 09-08 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel.

[13] medias24.com

[14]Le nouveau projet de loi 22-20 qui  s’attaque à la diffusion extrêmement rapide des fausses nouvelles sur le web et les réseaux sociaux.

[15] nouvelobs.com

[16] Yuhai Noah Harari, the world after corona virus,.

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