Le légal cadre de séjour au Maroc La Loi 02-03

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*CHEMLAL SOUFIANE

Étudiant chercheur en Droit

Jusqu’au début du XXème siècle, la migration  marocaine fut orientée essentiellement vers les pays du sud. Avec le protectorat français, la migration est devenue une migration sud-nord avec la mobilisation des marocains pour combattre sur le front européen lors des deux guerres mondiales. Parallèlement à cette mobilisation, l’Europe a eu besoin durant la période allant de 1915 à 1956 de main d’œuvre.

À partir de l’indépendance et jusqu’aux années quatre-vingt, l’émigration marocaine est passée d’un phénomène assisté et encadré par les pays d’accueil, à une migration volontaire.

La création de l’espace Schengen et le verrouillage des frontières qui s’en est suivi a donné à l’émigration des marocains à l’étranger une dimension illégale, dangereuse se déroulant dans des conditions inhumaines et sous le regard impuissant et souvent passif des pays concernés.

La population d’origine marocaine en Europe et en Amérique du Nord est aujourd’hui de plus de 3 million. Ce chiffre exclut les migrants marocains en situation irrégulière, une population qui compte probablement au moins plusieurs centaines de milliers de personnes.

Cette présente va se focaliser sur le phénomène de l’immigration des étrangers au Maroc, Situé en Afrique, un continent secoué par des crises politiques, guerres civiles et conflits armés, le Maroc ne peut rester à l’écart des conséquences de cette situation probablement durable. Les migrants provenant également d’Irak, de Libye ou de Syrie quittent de plus en plus des pays dévastés par la guerre affluente vers le Maroc et demandent le statut de réfugié. Le Maroc subit incontestablement les effets de la politique drastique de contrôle par l’Europe de ses frontières extérieures. Pour ces raisons, le Maroc est devenu à son tour une terre d’asile et d’installation durable des migrants. Le dispositif législatif mis en place en matière de migration repose à la fois sur un droit positif relativement récent et sur des conventions internationales. Le Maroc, à travers la loi n° 02-03 sur l’entrée en séjour des étrangers au Maroc, l’émigration et l’immigration clandestine, a démontré son engagement pris à l’égard de ses partenaires dans le domaine de la lutte contre l’émigration.

Comment un étranger souhaitant s’installer au Maroc, soit pour des raisons de travail, de regroupement familial, ou autres motifs doit-il procéder pour que son séjour au Maroc soit régulier (Section I) et à quel moment ce même étranger peut basculer vers une situation irrégulière (Section II).

            Section. 1 Le statut de l’étranger en situation régulière :

Premièrement en définit la notion ‘’étranger’’, Un étranger se dit d’une personne qui ne possède pas la nationalité du pays d’installation. Cet état peut changer au cours de la vie d’un individu puisqu’il peut obtenir la nationalité du pays d’installation. La notion d’étranger ne recouvre pas forcement celle d’immigré puisque l’on peut être étranger sans jamais avoir migré (c’est le cas par exemple des personnes qui sont nées et vivent au Maroc mais qui n’ont pas la nationalité marocaine) ou à l’inverse avoir immigré mais ne pas être étranger (c’est le cas par exemple des personnes qui ont immigré au Maroc puis ont obtenu la nationalité marocaine).

La loi 02/03 donne la définition suivante « on entend par étranger, au sens de la présente loi, les personnes n’ayant pas la nationalité marocaine, n’ayant pas la nationalité connue, ou dont la nationalité n’a pas pu être déterminée »

La libre et régulière circulation des personnes étrangères sur le territoire marocain suppose le respect de certaines règles puisant leur source dans la loi 02-03 et dans les conventions signées par le Maroc.

De manière générale, les articles 31 et 42 de la loi 02-03 soumettent les étrangers traversant les frontières marocaines à un contrôle exercé par les autorités. Tandis que l’article 3 porte sur le contrôle de validité du passeport et du visa, l’article 4 prévoit un contrôle dont la nécessité, et dans une certaine mesure, les contenus sont laissés à l’appréciation des autorités.

Ce contrôle concerne la vérification des ressources financières des immigrés, leurs motifs d’entrée et les garanties de leur retour au pays.

Dans le cas où l’intéressé ne remplit pas ces conditions, il peut se voir refuser l’entrée sur le territoire et être renvoyé immédiatement. Toutefois, l’article 4 prévoit certains droits à l’étranger dont l’entrée sur le territoire est refusée, tels que ceux de prévenir la personne qui devait l’accueillir, avertir son consulat et prendre contact avec un avocat.

L’étranger remplissant les conditions d’entrée est admis à séjourner sur le territoire marocain pendant la durée de validité de son visa.

En effet ces règles sont diffèrent, selon que la demande de l’étranger porte sur l’obtention d’un titre de séjour temporaire (Sous-Section 1) ou permanant (Sous-Section 2).

 

                        Sous-section 1 : L’obtention du titre de séjour temporaire

 

Toute personne étrangère désirant séjourner sur le territoire marocain est tenue de demander à l’administration la délivrance d’une carte d’immatriculation renouvelable, qu’elle est dans l’obligation de détenir ou être en mesure de présenter à l’administration dans un délai ne dépassant pas les 48 heures. Au-delà d’un titre de voyage régulier de voyage de 3 mois, l’étranger doit faire la demande d’immatriculation pour régulariser sa situation.

Lorsque son séjour est supérieur à trois mois, il doit avant l’expiration de son visa ou avant quatre-vingt-dix jours s’il est exempté de visa, se rendre auprès de la préfecture de police de sa ville de résidence pour accomplir les formalités permettant l’établissement d’un titre de séjour. Dans la pratique cependant, il s’agit d’une disposition qui n’est pas toujours observée par les autorités marocaines et par les étrangers. La demande intervient régulièrement après l’expiration du visa. Les étrangers interrogés ont confirmé qu’ils ne procédaient à cette formalité qu’entre trois et quatre mois après leur entrée au Maroc et qu’ils n’avaient jamais été sanctionnés à ce titre.

Ce retard est souvent lié aux difficultés à fournir les documents exigés. Au moment de l’établissement du titre de séjour, l’étranger peut être amené, soit à établir une carte d’immatriculation, s’il est résident de courte durée ou étudiant, soit une carte de résidence, s’il est installé depuis au moins quatre ans.

La carte d’immatriculation constitue donc le principal titre auquel tous les étrangers ont accès. S’agissant de la procédure d’établissement de ce titre, l’article 4 de la loi n° 02-03 prévoit que les intéressés doivent remplir des formulaires et y joindre certaines pièces justificatives variant selon le statut de l’étranger. Outre les formalités précédentes, l’intéressé doit désormais déposer une copie de sa carte consulaire, un certificat médical de non affection de maladies contagieuses et un extrait du casier judiciaire.

Lors de la première entrée au Maroc, le certificat médical et le casier judiciaire de l’étranger sont exigés afin de vérifier s’il présente une menace pour l’ordre public.

Une fois obtenue, la carte d’immatriculation permet à l’étranger de séjourner au Maroc pendant une période ne dépassant pas 10 ans, renouvelable pour la même période.

La délivrance de la carte d’immatriculation repose sur les motifs avancés par la personne souhaitant séjourner au Maroc pouvant aller jusqu’à l’exercice d’une activité professionnelle soumise à autorisation.

Dans ce sens il y a un accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement marocain en matière de séjour et d’emploi du 9 octobre 1987, les ressortissants français voulant exercer une activité professionnelle salariée au Maroc pour une durée d’un an au minimum reçoivent, après le contrôle médical et sur présentation d’un contrat de travail, visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention « salarié », éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. Après trois ans de séjour continu au Maroc, ils pourront obtenir le visa de leur contrat de travail et une autorisation de séjour pour une durée de dix ans. Il sera statué sur leur demande en tenant compte des conditions d’exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d’existence.

Il convient de souligner que la souveraineté de l’état marocain, seul garant de la sécurité de ses sujets et du territoire marocain, justifie que soit opposé au ressortissant étranger le refus de délivrance de la carte d’immatriculation lorsqu’il présente une menace pour l’ordre public.

Quid à présent des conditions d’obtention du titre de séjour permanent ?

                        Sous-section 2 : L’obtention du titre de séjour permanent

            Paragraphe 1 : L’obtention conditionnelle du titre de séjour

Pour obtenir la carte de séjour, l’étranger doit d’abord séjourner pendant 4 ans non interrompus au Maroc, et prouver ensuite ses moyens d’existence à savoir, les conditions de son activité professionnelle et le cas échéant, les faits qu’il peut invoquer à l’appui de son intention de s’établir durablement sur le territoire marocain.

L’accord du 9 octobre 1987 signé entre le Maroc et la France susmentionné, édicte des règles plus souples en matière d’obtention du titre de séjour au profit des ressortissants français.

En effet, selon l’article 2 dudit accord, les ressortissants français résidant au Maroc et justifiant de trois ans de séjour régulier bénéficient, de plein droit, d’une autorisation de séjour de dix ans ainsi que du visa pour toute profession salariée sur l’ensemble du territoire du Royaume du Maroc de leur contrat de travail par les autorités compétentes, pour une même durée de dix ans. En cas de changement d’employeur, le nouveau contrat recevra automatiquement le visa pour une durée égale à la période qui reste à courir. L’autorisation de séjour et le visa sont de pleins droits renouvelables à leur expiration pour une durée de dix ans.

Par ailleurs, le droit marocain prévoit dans son code de travail des dispositions régissant non seulement les conditions de travail des salariés marocains se rendant à l’étranger, mais aussi celles applicables aux salariés étrangers travaillant sur le territoire marocain.

Dans son article 512 le code du travail oblige les salariés marocains se rendant à un État étranger pour y occuper un emploi rémunéré de se munir d’un contrat de travail visé par les services compétents de l’État d’émigration et par l’autorité gouvernementale marocaine

Chargée du travail. L’autorité gouvernementale chargée du travail procède à la sélection des émigrés sur la base de leurs qualifications professionnelles et de leurs aptitudes physiques et accomplit toutes les formalités administratives nécessaires pour l’acheminement des émigrants vers le pays d’accueil en coordination avec les administrations et les employeurs concernés.

S’agissant de l’emploi des salariés étrangers, l’article 516 du code du travail oblige l’employeur d’obtenir une autorisation de l’autorité gouvernementale chargée du travail accordée sous forme de visa apposé sur le contrat de travail qui prend effet à la date du visa.

Notons que l’autorisation peut être retirée à tout moment par l’autorité gouvernementale chargée du travail. Les raisons pour lesquelles ladite autorisation peut être retirée ne sont pas fournies par le code de travail ; les autorités marocaines détiennent un droit discrétionnaire en la matière et l’étranger se trouve dans une situation des plus non sécurisantes.

L’ensemble de ces dispositions ne sont que le reflet de la stratégie gouvernementale en matière d’emploi, la priorité devant être donnée aux citoyens marocains.

En vertu des conventions bilatérales entre le Maroc et de nombreux pays comme la France, l’Allemagne, le salarié étranger exerçant au Maroc une activité professionnelle, sera rattachée automatiquement à la sécurité sociale marocaine et bénéficiera avec sa famille résidente sur le territoire marocain de l’ensemble des prestations, notamment en matière de santé et d’allocations familiales.

            Paragraphe 2 : L’octroi de plein droit du titre de séjour

La carte de séjour est automatiquement accordée à une catégorie de personnes parmi lesquelles figure le conjoint étranger d’un ressortissant de nationalité marocaine, l’enfant étranger de mère marocaine, l’étranger qui est père ou mère d’un enfant résident et né au

Maroc, le conjoint et enfants de l’étranger titulaire de la carte de résidence, l’étranger qui a obtenu le statut de réfugié et enfin, l’étranger qui justifie avoir sa résidence habituelle au

Maroc depuis plus de quinze ans ou depuis qu’il a atteint l’âge de dix ans ou qu’il est en situation régulière depuis plus de dix ans.

L’étranger désirant obtenir le titre de séjour permanant s’expose au risque de se voir opposer un refus du fait qu’il présente un risque de menace de l’ordre public ; la décision de refus étant susceptible de recours devant le président du tribunal administratif en sa qualité de juge des référés.

Sur tous les cas d’obtention automatique de la carte de résidence, celui du réfugié mérite que l’on s’y attarde plus amplement.

  1. Le statut du réfugié en droit international

Tout d’abord un refugié se dit d’une personne à qui un pays accorde une protection internationale, en raison des risques de persécution qu’elle encourt dans son pays d’origine du fait de son appartenance à un groupe ethnique ou social, de sa religion, de sa nationalité ou de ses opinions politiques.

Le Royaume du Maroc a ratifié plusieurs conventions relatives au statut du réfugié, notamment la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Le Maroc est le premier pays arabe à avoir adopté un texte sur l’asile, en l’occurrence le dahir du

26 août 1957 relatif à l’application de la convention de Genève et le décret du 29 août 1957 fixant les modalités d’application de la Convention. Le Maroc est également signataire du protocole de New York du 31 janvier 1967 relatif au statut des réfugiés et de la Convention de l’Organisation de l’Union Africaine (OUA) du 10 septembre 1969 régissant les aspects propres aux problèmes de réfugiés en Afrique.

L’article 1 de la convention de Genève définit le réfugié comme la personne à qui un pays accorde une protection internationale en raison des risques de persécution qu’elle encourt dans son pays d’origine du fait de son appartenance à un groupe éthique ou social, de sa religion, de sa nationalité ou de son opinion politique.

Le réfugié a droit au non-refoulement qui lui est garanti par l’article 33 de la convention de Genève et en vertu duquel le Maroc, en tant que membre signataire de la convention, s’engage à ne pas expulser ou refouler de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée.

Ce principe s’applique à toute personne qui recherche une protection internationale. Il constitue la base juridique de l’obligation des États de fournir cette protection à ceux qui en ont besoin.

De même, le réfugié arrivant du territoire où sa vie est menacée, ne se verra pas appliquer en vertu de l’article 31 de la convention de Genève, les sanctions pénales, du fait de son entrée ou de son séjour irréguliers.

La Convention de Genève confère aux réfugiés des droits fondamentaux au moins équivalents aux libertés accordées aux étrangers en situation régulière dans un pays donné, et dans bien des cas, des droits équivalents à ceux dont jouissent ses propres citoyens.

Le Royaume du Maroc s’est doté d’un Bureau des Réfugiés et Apatrides (BRA) dépendant du ministère des Affaires étrangères, Les décisions du BRA peuvent être contestées devant une commission des recours composée de représentants du ministère de la Justice et des affaires étrangères ainsi que du HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés). En réalité, le BRA au Maroc ne fonctionne pas et n’enregistre pas les demandes d’asile et ne reconnaît pas, à fortiori la qualité de réfugié aux étrangers qui le sollicitent.

  1. Le statut du réfugié en droit interne

Selon l’article 17 de la loi 02-03, la carte de résidence est délivrée à l’étranger qui a obtenu le statut de réfugié, ainsi qu’à son conjoint et à ses enfants mineurs ou dans l’année qui suit leur majorité civile. Toutefois, la carte de résidence ne peut être délivrée si la présence de l’étranger au Maroc constitue une menace pour l’ordre public. Le statut du réfugié implique le respect de certaines obligations, en particulier celle de respecter les lois et règlements du pays d’accueil.

            Section. 2 Le statut du migrant en situation irrégulière

L’entrée sur le territoire marocain peut être refusée à toute personne ne présentant pas les pièces administratives ou les justificatifs demandés ou qui fait l’objet d’une mesure d’expulsion ou d’une décision judiciaire d’interdiction d’entrée sur le territoire en vertu de l’article 4 de la loi n° 02-03.

Il n’en demeure pas moins que l’étranger même en situation irrégulière, doit être protégé dans ses droits.

                        Sous-section 1 : Les décisions prises en cas d’immigration irrégulière

L’administration marocaine dispose de larges pouvoirs lorsqu’il s’agit de décider du sort du migrant en situation irrégulière. Ses pouvoirs se manifestent à des degrés différents selon la situation en présence.

            Paragraphe 1 : Le maintien en zone d’attente

 

L’opportunité du maintien en zone d’attente est du ressort exclusif de l’administration qui, lorsque la situation l’exige et relève d’une nécessité absolue, prend en ce sens une décision écrite et motivée et renseigne le migrant sur ses droits. Le contrôle du juge n’intervient qu’à posteriori et porte notamment sur les conditions du maintien de l’étranger.

            Paragraphe 2 : L’expulsion du migrant étranger

 

Les mêmes mécanismes de prise de décision sont reconduits lorsque l’étranger doit être expulsé du territoire marocain. L’article 251 de la loi 02-03 donne à l’administration, en l’occurrence au Directeur général de la sûreté nationale, le droit de prononcer la décision d’expulsion motivée par le souci de protéger un ordre public gravement menacé. Le juge intervient lorsqu’un recours est intenté par l’intéressé contre la décision d’expulsion.

            Paragraphe 3 : La reconduite à la frontière

 

Cette mesure peut être ordonnée par l’administration pour des cas bien déterminés, liés à la régularité du séjour sur le territoire marocain. L’administration peut accompagner sa décision de reconduire à la frontière le migrant présentant un comportement d’une gravité menaçante, d’une décision d’interdiction du territoire d’une durée maximale d’un an. Le juge n’intervient que lorsqu’un recours en annulation est intenté par le migrant.

            Paragraphe 4 : L’assignation à résidence

 

Ici encore, l’assignation à résidence est une décision que seule l’administration peut prendre lorsqu’elle se trouve confrontée au cas d’un étranger faisant l’objet d’une décision d’expulsion ou de reconduite à la frontière et dont l’éloignement n’est pas possible. Par dérogation à l’article 341 de la loi 02-03, l’étranger sera astreint à résidence dans les lieux qui lui sont fixés par l’administration et devra se présenter périodiquement aux services de police ou de gendarmerie.

                        Sous-section 2 : La protection de l’étranger en situation irrégulière

La question que l’on doit se poser ici est de savoir si le dispositif légal est suffisamment protecteur des droits de l’étranger se trouvant dans une situation irrégulière et d’autre part, si le juge dans son rôle d’interprétation de la loi 02-03 est du côté de l’étranger se trouvant en situation irrégulière ?

            Paragraphe 1 : Le dispositif de protection mis en place par la loi 02-03 :

 

L’étranger qui fait l’objet d’une décision de reconduite à la frontière peut, dans les quarante-huit heures suivant la notification, demander l’annulation de cette décision au président du tribunal administratif. Il peut demander en outre, le concours d’un interprète et la communication de son dossier.

Enfin, l’étranger est assisté de son avocat s’il en a un et peut demander au président la désignation d’office d’un avocat. Dès notification de la décision de reconduite à la frontière, l’étranger est immédiatement mis en mesure d’avertir un avocat, le consulat de son pays ou une personne de son choix.

Lorsque l’étranger est maintenu en rétention, il est immédiatement informé de ses droits par l’intermédiaire d’un interprète, le cas échéant. Il lui est permis de demander l’assistance d’un médecin, avocat et de communiquer, s’il en émet le souhait, de communiquer avec le consulat de son pays.

Quid de la présence de l’interprète durant la phase préliminaire durant laquelle l’autorité administrative procède à l’interpellation du prévenu et de l’instruction de son dossier ? La loi est muette sur cette question, de sorte que les droits du migrant durant cette phase ne sont pas protégés.

            Paragraphe 2 : L’application par le juge des principes protecteurs énoncés par la loi 02-03 :

 

Il nous a été donné de constater que dans plusieurs affaires déférées devant le tribunal de première instance, l’étranger ne s’est pas vu défendre par un avocat.1 Les mécanismes et la procédure d’octroi d’une assistance judiciaire sont tellement complexes et lents que les migrants en situation irrégulière s’en trouvent dans la quasi majorité des cas privés.

S’agissant de la compréhension par le migrant se trouvant en situation irrégulière des décisions administratives prises à son encontre, force est de constater qu’il se trouve dans l’incapacité d’en appréhender la teneur et les conséquences en l’absence de nomination d’un interprète.

Paragraphe 3 : Le droit de recours accordé au migrant en situation irrégulière :

 

Les décisions prises par l’administration peuvent faire l’objet d’un recours en annulation devant le juge administratif. Ce dispositif trouve sa limite dans la méconnaissance par l’étranger de l’existence même de ce droit, et dans le caractère très court du délai de recours en annulation.

Pour ne citer que l’exemple de la décision de l’administration prononçant la reconduite à la frontière, celle-ci peut faire l’objet d’un recours en annulation auprès du président du tribunal administratif, à condition que l’étranger respecte un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de ladite décision. La seule dérogation permise concerne l’étranger qui réside hors du Maroc et qui présente après le délai de recours la demande d’abrogation de la décision de reconduite à la frontière (art.32 de la loi 02-03)

Lorsque le migrant se voit refuser le renouvellement de son titre de séjour, il dispose cette fois ci d’un délai de quinze jours pour intenter un recours contre la décision devant le tribunal administratif. Ce recours ne suspend pas la décision de reconduite à la frontière ou de l’expulsion, conséquence du refus de renouvellement du titre de séjour.

Enfin, différentes sanctions sont prévues à l’égard des étrangers qui sont en situation irrégulière ou qui ne respectent pas les conditions fixées par la loi n° 02-03.

À ce titre, l’article 42 dispose que l’étranger qui s’est maintenu sur le territoire marocain au-delà de la durée de son visa encourt une amende de 2.000 à 20.000 dirhams et une peine de prison d’un mois à six mois ou l’une des deux peines1. En cas de non renouvellement du titre de séjour dans le délai imparti, sans justificatif valable, l’étranger doit s’acquitter d’une amende 3.000 à 10.000 dirhams et encourt une peine de prison d’un mois à six mois, ou l’une des deux sanctions. Aussi, l’étranger qui change de résidence et ne le déclare pas à la préfecture de police de son lieu de résidence est punissable d’une amende de 1.000 à 3.000 dirhams.

En définitive, le cadre normatif en vigueur au Maroc vise plus à autoriser l’étranger à séjourner pendant une courte durée, qu’à y résider, Les conditions liées au travail, au mariage et les contraintes religieuses ont tendance à décourager les étrangers à vivre de manière permanente au Maroc. De nombreux étrangers ont d’ailleurs souligné le caractère « méfiant », « dur », « fermé », « non accueillant » des autorités marocaines qui sont chargées de les recevoir lors du dépôt du dossier concernant l’établissement ou le renouvellement du titre de séjour.

Toutefois, la loi marocaine apparait plus sévère dans les textes que dans la pratique. De nombreux étrangers ont à ce sujet souligné le fait de pouvoir circuler librement sans crainte, même lorsqu’ils ne sont pas en règle. De même, la condition relative à la nécessité de déclarer automatiquement sa nouvelle résidence est peu connue par les étrangers qui, pour certains, continuent à déclarer leur ancienne résidence ou déclarent leur nouvelle adresse seulement au moment du renouvellement du titre de séjour.

En somme, il existe une rigueur ou une souplesse apparente en fonction de la préfecture de police d’accueil de l’étranger, avec un différentiel apparent selon les étrangers concernés.

Reference :

  • Dahir n° 1-03-196 du 16 ramadan 1424 (11 novembre 2003) portant promulgation de la loi n° 02-03 relative à l’entrée et au séjour des étrangers au Royaume du Maroc, à l’émigration et l’immigration irrégulières
  • Ahmed AKELLAL, Les motivations historiques et sociales de l’émigration marocaine, publications de l’académie du Royaume au Maroc, 1999. Selon l’auteur, La main-d’œuvre marocaine émigrée en 1950 s’élevait à 16.000 personnes.
  • Hein de Haas, Maroc: De pays d’émigration vers passage migratoire africain vers l’Europe, Rapport élaboré par la Migration Policy Institute
  • Abdessamad DRISSI, Recrutement : Marocains à l’étranger et étrangers au Maroc, quelle différence : https://www.entreprendre.ma / Recrutement-Marocains-a-l-etranger-et-etrangers-au-Maroc-quelle-difference_a1560.html
  • Nadia KHROU, Adila OUARDI, Hicham RACHIDI, Étude portant sur le thème du : cadre juridique relatif à la condition des étrangers, CADEM, 2009, p.6
  • Colloque international « Le droit des réfugiés », Tanger, 7 février 2015
  • Le cadre relatif aux réfugiés au Maroc, Guide juridique du 24 novembre 2014, p.24

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