DROIT DE LA FAMILLE LE MARIAGE DE L’INCAPABLE

 Alkanounia.info

Réalisé par :

*NADIR SALMA

Introduction générale :

Le droit de la famille est l’ensemble des règles du droit privé régissant les relations d’un ensemble d’individus unis par un lien de parenté, d’alliance ou d’adoption. Ce droit, a connu une vraie évolution à travers le temps, la promulgation de la Moudawana de 2004 fut un événement majeur du développement du noyau de la société Marocaine, celle-ci définit le mariage comme étant un pacte fondé sur le consentement mutuel en vue d’établir une union légale et durable, entre un homme et une femme. Il a pour but la vie dans la fidélité réciproque, la pureté et la fondation d’une famille stable sous la direction des deux époux, conformément aux dispositions dudit code.

La société civile ainsi que plusieurs féministes estiment que la Moudawana a fait preuve de plusieurs insuffisances relevées par la pratique. Le besoin d’une mise à niveau entre la Moudawana et la constitution de 2011 commence à se sentir, plusieurs articles sont concernés par la réforme en perspective, notamment l’article 16 relatif à la régularisation du mariage coutumier, ainsi que l’article 19 relatif au mariage du mineur incapable qui continue à sévir.

En effet, l’article 19 fixe l’âge légal du mariage à 18 années grégoriennes révolues pour les filles et les garçons, par contre les articles 20 et 21 vident l’article 19 de sa substance en ouvrant la voie aux dérogations, ils soumettent au pouvoir discrétionnaire du juge d’autoriser le mariage à un âge inférieur, l’exception serait devenue la règle, accentuant ainsi la précarité de la femme[1]

Plus de 16 ans après l’entrée en vigueur du code de la famille et près d’une décennie après l’avènement de la nouvelle constitution, le mariage des mineurs continue de poser problème, les chiffres alarmants en hausse continuent de témoigner d’un véritable mal social.

Ce constat nous pousse donc à se poser les questions suivantes :

Comment est-ce que la Moudawana traite du mariage de l’incapable ? Quels sont les représentants légaux qui doivent assister l’incapable lors de la conclusion de l’acte de mariage ? Dans quelle mesure le législateur marocain a réussi à établir un régime de représentation légal qui assure la protection efficace et l’assistance aux incapables ? Quelles sont les dimensions (causes et conséquences) de ce mariage ?

Pour répondre à ces questions, il serait judicieux de se focaliser en première partie sur la représentation légale de l’interdit, les types des incapacités que connait le droit marocain et en deuxième partie la procédure du mariage de l’incapable en soulignant le contrôle en amont et en aval du juge lors de la conclusion d’un acte de mariage, et conclure par les conséquences et les dimensions de ce fléau.

PLAN :

Partie I : La représentation légale de l’interdit : Notion et formes

   Chapitre 1 : la représentation légale : Généralités

       Section 1 : Définitions

       Section 2 : Capacité, incapacité et motifs d’interdiction

   Chapitre 2 : Les formes de la représentation légale

      Section 1 : La tutelle sur la personne.

      Section 2 : Le mariage du mineur en droit comparé :

Partie II : La procédure du mariage de l’incapable et ses dimensions :

   Chapitre 1 : De la procédure

   Chapitre 2 : Les dimensions du mariage du mineur

  • Les causes majeures derrière le mariage des mineurs
  • La pauvreté
  • Pour contrôler la sexualité des femmes
  • Moyen pour sécuriser l’héritage
  • Les conséquences néfastes du mariage des mineurs.
  • Insécurité
  • Abandon des études
  • Menace sur sa santé physique et mentale
  • Les mariages d’enfants sont très souvent source de violence

Conclusion

Partie I : La représentation légale de l’interdit : Notion et formes

 L’existence juridique pour le mineur et l’incapable n’est atteinte que grâce à un élément supplémentaire, la représentation. Leur vulnérabilité, immaturité ou leur inaptitude naturelle commandent de les placer sous un régime de protection, dont l’incapacité d’exercice est la règle cardinale.

Cette représentation légale prend plusieurs formes ; tutelle sur la personne ou sur les biens et dans d’autres pays tel que la France elle prend d’autres dénomination et présente quelques différences dans le fonctionnement ; autorité parentale pour les mineures et sauvegarde de la justice, curatelle ou tutelle pour les majeurs protégés.

Chapitre 1 : Notion de la représentation légale : Généralités

  Certaines personnes, sont incapables de gérer leurs affaires personnelles et pour ceci la loi prévoit à un régime de protection, appelé la représentation légale, leur incapacité est dû à plusieurs raisons (altération des facultés mentales, le manque de discernement et la déchéance de certains droits).

Section 1 : Définitions :

Le terme incapable incarne deux types de personnes, d’une part le mineur et d’autre part l’incapable.

Le mot mineur se dit de quelqu’un (personne physique) qui n’a pas encore atteint l’âge de la majorité fixé par la loi à 18 ans et qui, de ce fait, est privée de la possibilité d’exercer elle-même ses droits et est placée sous un régime de protection[2]. Ceci dit qu’un mineur n’est pas en mesure de répondre pénalement à sa responsabilité ni civilement apte pour conclure des actes, par voie de conséquence, les actes accomplies par le mineur sont entachés de la sanction de nullité.

En ce qui concerne l’incapable, se dit d’une personne privée par la loi de la jouissance ou de l’exercice de certains droits.

   La représentation est le procédé juridique par lequel une personne agit au nom et pour le compte d’une personne qu’elle représente.

La représentation peut être conventionnelle quand elle est exercée par le canal d’un mandant (l’avocat), elle peut être judiciaire ; c’est le cas par exemple de l’autorisation accordé à un époux d’agir au nom de l’autre.

Mais également, la représentation peut être légale, c’est le cas du tuteur qui va représenter les intérêts d’un mineur ou d’un interdit pour démence, faiblesse d’esprit ou prodigalité.

Ces incapables et partiellement incapables sont soumis, selon le cas, aux règles de la tutelle paternelle ou maternelle, testamentaire ou dative.

  La tutelle est une charge personnelle, elle ne passe pas aux héritiers ; c’est une charge obligatoire, elle est une charge gratuite pour le père ou la mère. Le tuteur testamentaire ou datif peut recevoir des indemnités pour les frais de gestion et ces indemnités sont fixées par le juge.

Section 2 : Capacité, incapacités et motifs d’interdiction

  Les types de capacité et des incapacités :

  • Il y a deux sortes de capacité : la capacité de jouissance et la capacité d’exercice :

Selon l’art 207 du code de la famille, la capacité de jouissance est la faculté qu’a la personne d’acquérir des droits et d’assumer des devoirs. Cette capacité est attachée à la personne durant toute sa vie et ne peut lui être enlevée[3].

Tout d’abord, il est important de souligner que tout individu dispose à sa naissance d’une pleine capacité de jouissance. Cette capacité est l’aptitude de la personne à jouir des droits et s’acquitter des obligations prévues par la loi en ce qui concerne son patrimoine[4].

Par contre, l’art 208 CF traite de la capacité d’exercice qui la définie comme étant la faculté qu’a une personne d’exercer ses droits personnels et patrimoniaux et qui rend ses actes valides[5].

Il est reconnu que l’âge de la majorité légale est fixé légalement à dix-huit années grégoriennes révolues. En ayant l’âge de la majorité la personne exerce, en pleine capacité, ses droits et assume ses obligations sauf qu’une limite quelconque soit établie et ou qu’elle perd cette capacité (art.209 et 210 du code de la famille marocain). Cependant, un mineur non émancipé ne pourra pas user de sa capacité d’exercice pour tout acte de disposition, gestion d’une partie de patrimoine etc. En effet, il ne pourra pas par exemple vendre sa propriété. Néanmoins, avec l’aval de son représentant légal il pourra réaliser des actes d’administration. C’est ce qui découle de l’article 210 qui énonce que toute personne ayant atteint l’âge de majorité jouit de la pleine capacité pour exercer ses droits et assurer ses obligations, à moins qu’un motif quelconque établi ne lui limite ou ne lui fasse perdre sa capacité ». Dans ce cas on parle d’incapacité.

  • Il existe plusieurs incapacités :

a- l’incapacité naturelle qui résulte d’un état de fait qui la rend évidente (ex : minorité) ou l’incapacité arbitraire qui résulte d’une décision de loi.

b-Incapacité de protection et incapacité de déchéance :

 1-Incapacité de déchéance : Ces incapacités ont pour but de protéger la société contre les dangers pouvant résulter contre elle, par la personne envisagée. Exemple : Les personnes condamnées à la réclusion criminelle sont frappées de plein droit d’interdiction légale, les personnes qui ont commis de lourdes fautes de gestion de leur patrimoine dont la déchéance a été prononcée pour ne plus nuire à eux même ou aux autres (la faillite).

2-Incapacité de protection : Elle est édictée par la loi pour protéger la personne elle-même, jusqu’à ce qu’il soit apte d’accomplir les actes de la vie juridique, ex : incapacité qui frappe le mineur, le dément, le prodigue.

c-Incapacité d’exercice et incapacité de jouissance :

1-Incapacité de jouissance : C’est le cas d’une personne ne pouvant légalement être titulaire d’un droit (ex : naturalisé, étranger, etc.…). Ce sont des incapacités spéciales. Exemple : il existe des droits (mariage, adoption) dont l’individu ne peut jouir qu’à partir d’un certain âge, certains droits peuvent être perdu à titre de déchéance à la suite de certains jugements (déchéance de l’autorité parentale).

Les personnes frappées d’une incapacité (nécessairement limitée) demeurent des sujets de droit. Exemple : les étrangers jouissent des droits civils, mais pas des droits civiques.

2-Incapacité d’exercice : C’est le fait d’être titulaire d’un droit mais qui ne peut être exercé que par l’intermédiaire d’un représentant ou avec son assistance. La personne a l’aptitude à être sujet de droit, mais elle ne peut exercer seule ses droits et a besoin soit d’une représentation, soit d’une assistance. La mesure s’adapte au degré d’inaptitude de la personne et aux actes qu’elle passe, notamment certains actes d’administration, de disposition ou de la gestion d’une partie de patrimoine. Selon l’article 213 du code de la famille marocain, elles sont déclarées incapables :

  • L’enfant qui, ayant atteint l’âge de discernement, n’a pas atteint celui de la majorité ;
  • Le prodigue ;
  • Le faible d’esprit.

Est mineur doué de discernement à douze ans grégoriens révolus au titre de l’article 214 du code de la famille marocain.

Est considéré prodigue quand ce dernier cause un préjudice à sa famille en dilapidant ses biens dans des dépenses sans intérêt à elle et que les personnes raisonnables considèrent futile au terme de l’article 215 du code de la famille marocain.

Et il est à « faible esprit celui qui atteint d’un handicap mental l’empêchant de maitriser sa pensée et ses actes » (art.216).

Plus la personne est inapte, plus elle sera protégée. Cette protection prendra la forme d’une représentation et pourra même s’étendre aux actes de la vie courante.

Plus la personne est apte, plus elle sera libre d’accomplir seule certains actes, l’assistance n’étant requise que pour les actes les plus graves.

Chapitre 2 : Les formes de la représentation légale :

Section 1 : La tutelle sur la personne :

 

Il résulte de l’article 19 que la capacité matrimoniale s’acquiert, pour le garçon et la fille à l’âge de 18 années grégoriennes révolues, ce nouveau principe d’égalité du garçon et de la fille est une avancé de la Moudawana, l’âge devient ainsi unifié aussi bien pour le garçon que pour la fille, la capacité du mariage ne s’acquiert pas seulement lorsque le garçon et la fille atteignent cet âge, mais chacun d’eux doit jouir de toutes ses facultés mentales[6].

Le mineur bénéficie donc d’une tutelle qui veille sur lui jusqu’à cet âge, c’est d’ailleurs ce que consacre l’article 20, sorte d’exception à l’article 19, par laquelle le législateur a accordé au juge de la famille chargé du mariage la faculté d’autoriser le mariage du garçon et de la fille même avant d’atteindre ledit âge. Cette décision doit etre motivée sur la base de justifications convaincantes ayant amené ledit juge à la prendre en précisant l’intérêt que comporte cette procédure pour le mineur.

Le texte ne fixe pas l’âge minimum pour la faculté d’autoriser le mariage, le juge n’accorde cette autorisation qu’après avoir entendu le mineur, ses parents ou son représentant légal.

La validité du mariage du mineur est subordonnée au consentement de son représentant légal tel que défini par l’article 230. Le consentement est matérialisé par sa signature apposée sur la demande prévue à l’article 65 et par sa présence lors de la conclusion de l’acte.

Par conséquent, et en vertu de l’article 22, la fille et le garçon autorisés à se marier avant d’atteindre l’âge de 18 ans acquièrent, dès la conclusion de l’acte, la capacité d’exercer les droits et obligations découlant de l’acte de mariage, celle-ci leur confère le droit d’agir et d’ester en justice en ce qui concerne les droits et obligations découlant du mariages, telle que la pension alimentaire, le divorce…

  En ce qui concerne l’incapable, nous retenons de l’article 23 de la Moudawana que le handicap rend la capacité de l’handicapé mental incomplète, et ce conformément à l’article 19, même s’il dépasse l’âge de 18 années. Il ne peut etre autorisé à contracter mariage qu’après avoir obtenu l’autorisation du juge de la famille chargé du mariage, celle-ci lui est accordée sur la base d’un rapport médical.

 

Section 2 : Le mariage du mineur en droit comparé :

Le mariage des mineurs ne se trouve pas uniquement au Maroc mais est un phénomène universel y compris dans des pays développés

 D’ailleurs, même les lois étrangères (droit américain, belge, français…) prévoient cette exception autorisant un tel mariage dans certains cas quand il y va de l’intérêt de l’enfant mineur. Nous nous contenterons de présenter le cadre législatif de quelques pays voisins tels que la Tunisie, l’Algérie et la France.

Tunisie :

Article 5 alinéa 2 : chacun des deux futurs époux n’ayant pas atteint dix-huit ans révolus, ne peut contracter mariage. Au-dessous de cet âge, le mariage ne peut être contracté qu’en vertu d’une autorisation spéciale du juge qui ne l’accordera que pour des motifs graves et dans l’intérêt bien compris des deux futurs époux.

Article 6 : Le mariage du mineur est subordonné au consentement de son tuteur et de sa mère. En cas de refus du tuteur ou de la mère et de persistance du mineur, le juge est saisi. L’ordonnance autorisant le mariage n’est susceptible d’aucun recours.

Algérie :

Article 7 : La capacité de mariage est réputée valide à dix-neuf ans révolus pour l’homme et la femme. Toutefois, le juge peut accorder une dispense d’âge pour une raison d’intérêt ou en cas de nécessité, lorsque l’aptitude au mariage des deux parties est établie.

France :

Alors que le mariage n’était autorisé qu’à partir de 18 ans pour les hommes mais de seulement 15 ans pour les femmes, la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, par son article premier, a modifié l’article 144 du code civil3.

L’article 144 du code civil qui était précédemment rédigé comme suit:

« L’homme avant dix-huit ans révolus, la femme avant quinze ans révolus, ne peuvent contracter mariage » dispose désormais : « Le mariage ne peut être contracté avant dix-huit ans révolus »

Malgré la nécessité de la majorité pour le mariage une dispense peut cependant être accordée par le procureur de la république pour motifs graves. Cette situation est prévue par l’article 145 du code civil2.

Article 145 : « Néanmoins, il est loisible au procureur de la République du lieu de célébration du mariage d’accorder des dispenses d’âge pour des motifs graves. »

Le motif grave généralement invoqué est la grossesse de la future épouse.

Cette pratique nécessite cependant l’autorisation des parents (Articles 148 à 155 du code civil).

Plusieurs règles sont à retenir :

  • S’il existe un désaccord entre les parents, celui-ci vaut consentement : Article 148 du code civil.
  • Si l’un des deux parents se trouve dans l’impossibilité de donner son consentement (absence, adresse inconnue, décès…), celui de l’autre suffit : Art. 149 C.civ.
  • Si les deux parents sont décédés ou se trouvent dans l’impossibilité de donner leur consentement, c’est aux aïeuls et aïeules de le faire : Art. 150 du C.civ. (la règle du désaccord s’applique aussi).

Partie 2 : De la procédure du mariage de l’incapable et ses dimensions :

Il serait judicieux de scinder cette partie en deux chapitres, le premier traitant du mariage du mineur, ayant comme incapacité la minorité et en deuxième lieu, le mariage de l’incapable atteint d’une déficience mentale.  

 

Chapitre 1 : De la procédure :

Section 1 : Du mariage de l’incapable ‘’Mineur’’ :

L’incapacité des mineurs est une incapacité de protection et de discipline : l’enfant doit être protégé et est placé, en principe, sous l’autorité de ses parents (autorité parentale) qui sont ses représentants légaux chargés d’administrer ses biens et de l’assister lors de la conclusion de l’acte de mariage.

L’enfant est totalement incapable quand il n’a pas atteint l’âge de discernement.

La minorité concerne les personnes qui n’ont pas atteint l’âge de la majorité, fixé à 18 ans révolus (art 209). Le mineur étant frappé d’incapacité d’exercice, il est soumis au régime de la tutelle. Ceci dit que le mariage du mineur, est subordonné à l’approbation de son représentant légal, tel que défini par l’article 230 du code de la famille. Cette approbation est constatée par la signature du représentant légal, apposée avec celle du mineur sur la demande d’autorisation de mariage prévue à l’article 65 et sa présence lors de la conclusion du mariage.

En effet, si le représentant légal refuse le mariage du mineur sous sa tutelle, celui-ci peut présenter une demande d’autorisation de mariage au juge de la famille qui doit y statuer conformément aux procédures prévues par l’article 20 du code de la famille.

  Toutefois, il serait judicieux de distinguer certains degrés dans la minorité.

  • L’enfant en bas âge (moins de 12 ans) est dépourvu totalement de la capacité d’exercice.
  • L’enfant est doué de discernement lorsqu’il a atteint l’âge de 12 ans grégoriens révolus (art 214), sa capacité d’exercice devient seulement limitée.
  • Lorsque le mineur atteint l’âge de seize ans, il peut demander au tribunal de lui accorder l’émancipation. Le représentant légal peut demander au tribunal d’émanciper le mineur âgé de 16 ans s’il a constaté qu’il est doué de bon sens. Si son émancipation est prononcée il devient totalement capable concernant la gestion et la disposition de ses biens, mais l’exercice des droits extrapatrimoniaux demeure soumis aux textes qui les régissent.

Section 2 : Du mariage du dément et de l’aliéné mental :

Le dément et l’aliéné mental sont également considérés incapables (art.217 du code de la famille marocain). Dans cet article l’aliénation mentale est de deux sortes :

  • Elle est intermittente si elle est en pleine capacité pendant les périodes de lucidité.
  • Celui qui a perdu la raison n’exonère pas la responsabilité civile pour préjudice occasionné à autrui tout à fait indépendant à la notion de faute.

L’ancien article 11 dudit code dressait par ordre de priorité la liste des tuteurs matrimoniaux de sexe masculin. Cette position de l’ancien code en matière de tutelle matrimoniale sur la femme mineure ou même majeure, reflétait le maintien de celle-ci en situation de minorité qui s’expliquait par les structures patriarcales de la société marocaine où seuls les hommes étaient libres de leur mouvement, de leur fréquentation, alors que les femmes étaient recluses chez elles[7]. Le wali jouait le rôle d’intermédiaire, ainsi qu’un moyen de garantie que la candidate au mariage était bien informée sur l’homme avec lequel elle convolait. Désormais la femme peut conclure elle-même son mariage et consentir aussi au mariage de son enfant mineur, qu’il soit garçon ou fille, lorsqu’elle exerce la tutelle matrimoniale.

En effet, l’altération des facultés mentales est source d’interdiction mais cette altération peut prendre plusieurs formes : la démence, la faiblesse d’esprit et la prodigalité.

-La démence : Le dément est celui qui a complètement perdu la raison, que sa démence soit continue ou intermittente, c’est-à-dire coupée de périodes de lucidité.

Quand l’aliéné perd sa pleine capacité mentale et que cela dure tout le temps, il est privé totalement de la capacité d’exercice, et donc il ne peut plus, durant la période de l’interdiction, conclure aucun acte, sous peine de nullité.

Mais si la perte de la capacité mentale est momentanée et qu’il lui arrive parfois d’être lucide, l’on fait une distinction entre :

  • Les moments de lucidité : Dans ces moments il a pleine capacité et il peut accomplir valablement les actes juridiques.
  • Les moments de perte de la raison : Il se trouve privé totalement de la capacité contractuelle et s’il lui arrive de conclure des actes, ceux-ci s’avèrent nuls.

-Le faible d’esprit et le prodigue : La capacité d’exercice de ces personnes est seulement limitée.

Le faible d’esprit : Celui qui est atteint d’un handicap mental l’empêchant de maîtriser sa pensée et ses actes, mais sans perdre la raison.

Le prodigue : Le prodigue est celui qui dilapide ses biens par des dépenses sans utilité ou considérées comme futiles par les personnes raisonnables, d’une manière qui porte préjudice à lui-même ou à sa famille.

Ces incapables bénéficient d’un régime de tutelle, selon l’article 211 du code de la famille marocain : « Les personnes incapables et les personnes non pleinement capables sont soumises, selon le cas, aux règles de la tutelle paternelle, maternelle, testamentaire ou dative, dans les conditions et conformément aux règles prévues au présent code. »

Il est également cité par les dispositions de l’article 229 du C.F.M, « la représentation légale du mineur est assurée au titre de la tutelle légale, la tutelle testamentaire ou la tutelle dative. » Alors ces deux précisions nous conduisent à la définition d’un représentant légal évoqué dans l’article 230 de ce même code qu’un tuteur légal est le père, la mère ou le juge ; tandis que le tuteur testamentaire et datif, le premier est désigné par le père ou par la mère et le deuxième par la justice.

Il existe deux types de tutelles ; la tutelle sur les biens et la tutelle sur les personnes, seulement la tutelle sur la personne fera objet de notre analyse.

La tutelle sur la personne vise à assurer l’éducation, l’orientation, la protection et la permission de procéder à certaines pratiques sur le corps de l’incapable (religieuse ou médicale), elle concerne aussi la wilaya matrimoniale permettant au tuteur de conclure le mariage du mineur ou du dément, préalablement autorisé par le juge.

 Le représentant légal exerce sa tutelle sur la personne et les biens du mineur jusqu’à ce que celui-ci atteigne l’âge de la majorité légal. Il l’exerce également sur celui qui a perdu la raison jusqu’à la levée de son interdiction par un jugement.

La représentation légale exercée sur le prodigue et le faible d’esprit se limite à leurs biens jusqu’à la levée de l’interdiction par jugement (art 233 CF).

   Le législateur a fixé l’âge de mariage à 18 années grégoriens révolues[8], car il considère que le mariage est parmi les comportements qui nécessitent la pleine capacité suite aux effets qui en découlent comme le souligne l’article 19 du code de la famille qui laisse entendre que la validité de l’acte de mariage est subordonnée à 5 conditions fixées par le code à savoir : La pleine capacité de l’époux qui doivent etre sains d’esprit et avoir atteint l’âge du mariage, aucun accord ne doit etre conclu pour la suppression de la dot, le mariage du mineur est subordonné à l’accord et à la présence de son représentant légal qui est défini à l’article 230, que les 2 adouls doivent recueillir la déclaration de l’offre et de l’acceptation et les consigner dans le document formant acte de mariage, enfin, l’absence d’empêchements légaux à la conclusion du mariage. En effet, le rite malékite a permis au père de consentir le mariage de son fils ou sa fille sans avoir l’âge légal requis, ce rite prend en considération quelques signes physiologiques.

Le législateur a consenti le mariage du mineur, sans pour autant fixer l’âge minimum requis pour formuler cette demande, il doit tout de même expliquer les causes qui soutiennent sa demande. Le juge procède à l’écoute des parents du mineur ou de son représentant légal, ainsi qu’une expertise et d’une enquête sociale au sein du milieu social de l’incapable, la décision du juge est susceptible d’appel. En ce qui concerne le mariage des aliénés mentaux, en principe le mariage est entaché de nullité absolue suite au défaut de capacité chez les aliénés mentaux et ce conformément aux articles 19, 21 et 217 du code de la famille. Une dérogation est prévue si le mariage peut améliorer de l’état de santé de l’aliéné mental (effet bénéfique), sur demande de sa part ou de la part de son représentant légal à condition de fournir un rapport qui atteste de son état de santé, le type de le handicap, l’expression du consentement de l’autre partie qui atteste vouloir se marier à une personne incapable consigné dans un Pv, l’autre partie doit etre nécessairement majeure jouissant de sa pleine capacité, son assentiment doit faire l’objet d’un engagement officiel(acte authentique), le juge en vue de l’ensemble de ces documents et dudit rapport, donnera suite à ce mariage, sa décision est susceptible de recours tel que prévu par le code de procédure civile.

Chapitre 2 : Les dimensions du mariage du mineur :

  • Les causes majeures derrière le mariage des mineurs :

Le mariage d’enfants, qui existe depuis des siècles, est un problème complexe profondément enraciné, qui tient à l’inégalité des sexes, à la tradition, à la pauvreté…

 Il est surtout courant dans les régions rurales et pauvres, où les perspectives des filles sont limitées. Dans bien des cas, il s’agit de mariages arrangés par les parents, où les jeunes filles n’ont pas leur mot à dire.

  1. La pauvreté :

Dans les milieux défavorisés, les familles pauvres voient dans le mariage de leur enfant une stratégie économique leur permettant de subvenir à leurs besoins financiers notamment par le biais de la dot ; qui bien que ça soit la propriété privée de la mariée ; se trouve encaissé généralement par le père de celle-ci.

Mais c’est également un moyen de mettre leur enfant à l’abri du besoin.

Dans de nombreux cas également, les parents ont recours au mariage dans le but d’assurer l’avenir de leurs filles. Les situations d’insécurité et de grande pauvreté peuvent inciter des parents à recourir au mariage comme mécanisme de protection ou stratégie de survie.

  1. Pour contrôler la sexualité des femmes

Le mariage imposé constitue aussi un moyen de contrôler la sexualité des femmes. Certains parents voient dans le mariage forcé une protection pour leurs filles contre le risque de fréquentations amoureuses et surtout contre le risque de relations sexuelles hors du mariage.

Ce qu’ils cherchent à éviter par-dessus tout, ce sont des grossesses considérées illégitimes qui pourraient résulter de ce type de fréquentations. Pour de nombreuses familles, leur réputation repose sur le bon comportement sexuel de leurs membres et davantage sur celui de leurs filles. Les normes patriarcales toujours valorisées et présentes au sein des familles marocaines. Et parmi ces normes, l’obligation de la préservation de la virginité qui renvoie à la volonté de contrôler le corps des femmes dans le but de préserver l’honneur familial et par-delà le pouvoir patriarcal. La vigilance à l’égard de cet honneur est pointilleuse et un mariage imposé, de préférence précoce, constitue le meilleur rempart contre une atteinte à celui-ci

  1. Moyen pour sécuriser l’héritage :

 Il arrive que le mariage des mineurs permette à deux familles ou deux clans de tisser une alliance ou de renforcer les liens et les solidarités intragroupes. Les familles qui s’orientent vers un mariage préférentiel avec les cousins et cousines germain(e)s cherchent ainsi à rester dans l’entre soi et à préserver les biens et l’héritage quand il y en a.

  • Les conséquences néfastes du mariage des mineurs :

Le mariage des enfants viole les droits fondamentaux des filles à la santé, à l’éducation, à vivre en sécurité et à choisir quand et qui elles épouseront. Le mariage des enfants expose les femmes et les filles à un plus grand risque de violences sexuelles, physiques et psychologiques tout au long de leur vie.

  1. Insécurité :

Plus les filles mariées sont jeunes, plus elles risquent de subir des violences au sein de leur nouvelle famille. Elles sont forcées d’avoir des rapports sexuels avec leur mari, alors qu’elles ne sont pas prêtes physiquement ni psychologiquement. Elles ont peu de moyens de résister car elles manquent d’autonomie, de ressources et de soutien social.

  1. Abandon des études 

La plupart des filles qui se marient ne retournent pas à l’école. Elles doivent s’occuper de leurs enfants et participer aux tâches ménagères. Beaucoup n’ont pas les moyens de se rendre à l’école et l’éducation est souvent considérée par les familles comme étant un gaspillage de temps et d’argent. Sans éducation, les jeunes filles dépendent financièrement de leur mari. Elles peuvent rapidement se retrouver dans des situations précaires et très difficiles, sans ressource, en cas de divorce par exemple.

  1. Menace sur sa santé physique :

Le mariage des enfants peut avoir des conséquences dévastatrices pour la santé d’une fille. Sans préparation, ni physique, ni émotionnelle, à donner naissance, les filles épouses courent un risque de décès plus élevé lors de l’accouchement et sont vulnérables aux blessures liées à la grossesse. Elles sont susceptibles d’avoir des grossesses précoces et fréquentes.

  • Les filles âgées de moins de 15 ans sont cinq fois plus susceptibles de mourir en couches que des femmes de 20-24 ans.
  • Les complications pendant la grossesse et à l’accouchement sont constamment parmi les causes principales de décès des filles de 15-19 ans dans les pays à faibles revenus ou à revenus intermédiaires.
  • 90 % des grossesses chez les adolescentes dans les pays en développement concernent des filles qui sont déjà mariées[9].

4.     Les mariages d’enfants sont très souvent source de violence

La sortie brutale de l’enfance et les problèmes de santé liés aux grossesses précoces ne sont pas les seuls dangers qui menacent les jeunes filles mariées.

Bien que certains parents croient qu’un mariage précoce protègera leur fille de la violence sexuelle, selon des études menées par les Nations Unies, c’est souvent l’inverse qui se produit.

Les filles mariées avant l’âge de 18 ans risquent davantage que les autres d’être victimes d’actes violents de la part de leur partenaire, notamment en cas de différence d’âge importante entre les époux.

« Le mariage d’enfants marque une initiation abrupte et souvent violente aux relations sexuelles », dit le Dr Claudia García Moreno, expert de l’OMS spécialiste de la violence à l’encontre des femmes. « Les jeunes filles sont dans l’incapacité de refuser les rapports sexuels et ne disposent pas de ressources, de moyens juridiques ou d’appui social leur permettant de se séparer de leur conjoint violent. »

  1. Menace sur la santé mentale :

Le mariage forcé prive les jeunes filles de leur enfance et de leur adolescence, alors qu’elles ont besoin de ce temps pour grandir, se construire. Le traumatisme de quitter leur famille pour un univers inconnu peut les perturber. De plus, le fait de ne pas avoir eu le droit choisir leur partenaire implique des sentiments de trahison, d’humiliation et de perte de confiance en soi. Beaucoup de jeunes filles sombrent dans la dépression, certaines allant même jusqu’au suicide.

CONCLUSION :

Tout compte fait, un constat des différences à l’échelle de plusieurs aspects est remarquable, notamment l’aspect procédural, entre le mariage classique et les mariages atypiques. Dans cette optique, il convient de souligner que le mariage est une institution ancestrale, dont les principes doivent être hautement respectés pour des raisons multiples. Cependant, d’autre cas spécifique du mariage se manifeste tel que le mariage des déficient mentaux, qui nécessitent des démarches particulières. Le mariage des mineurs demeure encore une pratique courante au Maroc, qui a des répercussions négatives sur la santé des mineures, et réduit leur chance de bénéficier de leurs droits à l’éducation, à la formation comme elle limite l’horizon de leur avenir, leurs chances d’être autonomes, ce qui contribue à perpétuer le phénomène de la pauvreté, de l’inégalité et de l’exclusion sociale. Pour les mineures, le mariage implique des conséquences dramatiques pour elles-mêmes et pour leurs enfants sur les plans physique, psychologique, et social rapportés par des rapports des associations marocaines. En réalité, les filles mariées avant l’âge adulte témoignent d’un véritable cauchemar : elles se retrouvent la plupart du temps livrées à elles-mêmes, forcées au travail ménager, agricole, et victimes du pouvoir dont jouit, à leur égard, leur belle famille.

Bibliographie

Ouvrage :

-Rajaâ Naij El Mekkaoui, « La Moudawanah (code Marocain de la famille) le référentiel et le conventionnel en harmonie T1 : Le mariage et la filiation », édition et impressions Bouregreg, Rabat, 2009.

– Sabrina delrieu et vivien zalewski, « Droit des mineurs et des majeurs protégés », édition Ellipses.

-La Moudawana, le nouveau droit de la famille au Maroc : présentation et analyse, Omar Mounir, Marsam Editions, 2005.

-Mohamed Chafi ‘’Le droit de la famille au Maroc’’.

-Droit civil, Memento Dalloz 17ème édition.

Textes législatifs :

– Code de la famille marocain

– Guide pratique du code de la famille

– Code civil français

Sites internet :

-www.memoireonline.com

– https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/adolescent-pregnancy

[1] Femmes du Maroc

[2] Lexique des termes juridiques Dalloz.

[3] Article 207 du code de la famille.

[4] Guide pratique du code de la famille

[5] Article 208 du code de la famille

[6] Guide pratique Article 19

[7] MOHAMED CHAFI, le droit de la famille au Maroc 1ère édition.

[8] Article 19 du code de la famille.

[9] La grossesse chez l’adolescente Organisation Mondiale de la santé

قد يعجبك ايضا