L’apport d’un immeuble au capital d’une société
ALKANOUNIA.INFO
*MOHAMED AGHRI
Chercheur en droit immobilier, notarial et des affaires
Les apports en nature peuvent être des biens corporels, matériels, véhicules, immeubles…
En effet, pour qu’un bien puisse faire l’objet d’un apport en nature, deux conditions essentielles doivent être obligatoirement réunies :
- le bien doit faire l’objet d’une évaluation pécuniaire ;
- la propriété du bien ou sa jouissance sont transférables ;
En outre, l’immeuble peut être offert dans le cadre des apports en nature à l’occasion de la constitution d’une société, ou à l’occasion de l’augmentation de son capital, puisque, chaque cas est caractérisé par un ensemble de particularités et spécificités principalement liées au système juridique auquel la l’apport en question est soumise, nous essaierons de mettre l’accent sur chaque cas avec beaucoup de détails.
L’immeuble comme apport en société dans le cadre de la constitution:
L’un des fondements les plus importants d’offrir l’immeuble comme apport en société étant le transfert de sa propriété après son évaluation par le commissaire aux apports, c’est-à-dire que l’immeuble sera retiré des biens du propriétaire(associé offrant ) pour y entrer dans les biens de la société, et cette règle s’applique à toutes les sociétés commerciales à l’exception de la société en participation car elle n’a pas de personnalité morale.
Si la offre de l’immeuble comme apport dans la société en participation est la non acquisition d’une personnalité morale par cette dernière est la raison par laquelle devient interdite on peut dire que rien n’empêche cette opération tant que la société n’est pas toujours constituée, puisque la société pour acquérir cette personnalité morale soumise à l’inscription sur le registre de commerce alors que nous ne savions pas encore au cours de la constitution s’il s’agira d’une société en participation ou autre…
L’acquisition de la personnalité morale a pour effet la jouissance de la société d’un propre patrimoine à celui des associés, en essayant de rééquilibrer entre les actifs et les passifs de la société, en effet, la privation de la société de jouir de la personnalité morale du jour de la signature des statuts jusqu’ aux jours de l’immatriculation au registre de commerce a pour effet la privation de la société d’avoir un patrimoine propre.
De ce fait, on peut s’interroger sur la date à laquelle le contrat objet de l’immeuble offert comme apport en société doit être inscrire dans la conservation foncière, en application des dispositions du dahir d’immatriculation foncière tel qu’il a été complété et modifié par la loi 14 :07, auquel sont soumises toutes les charges foncière portées sur l’immeuble immatriculé ?
L’importance de déterminer la date d’inscription du contrat objet de l’immeuble en question dans la recherche de la procédure à suivre par l’associé propriétaire afin de récupérer son bien lors de la non constitution de ladite société, qui diffère selon la date de l’inscription dudit acte sur les livres fonciers. Considérant que la date d’inscription du contrat dans titre foncier est la date d’acquisition de la personnalité morale, exempte l’associer de suivre la procédure pour en restituer, tant qu’il est considéré comme le propriétaire de l’immeuble jusqu’à ce que les procédures de création de la société soient terminées, et par conséquent, l’hypothèse de récupérer et restituer ledit bien en raison de la non constitution n’est pas incluse car l’associé est obligé de transférer la propriété de l’immeuble après la constitution de la société, à cet égard, la société a le droit de faire une prénotation, par voie de faire recours au président du tribunal pour obtenir une ordonnance au nom de tous les associés. Dans ce cadre, l’associé dispose de deux options pour qu’il puisse radier l’inscription grevant son immeuble, soit d’attendre l’expiration du délai de six mois après le prononcé de ladite ordonnance sans avoir inscrire le droit définitif conformément à l’article 86 de la loi 14 :07, soit de faire recours au tribunal en demandant le prononcé d’un jugement acquis la force de la chose jugé conformément aux dispositions de l’article 91 du même loi.
Cependant, malgré l’impossibilité de faire recours à la justice par la société en cours de constitution en raison de l’incapacité étant cette dernière est l’une des conditions principales stipulée par le législateur dans l’article 1 du code de procédure civile pour ester en justice, alors, la base juridique sur laquelle la société peut soumettre sa demande pour qu’elle puisse être recevable, se reflète dans la offre de celle-ci par l’un des fondateurs ou l’un des futurs associés, suite à un mandat spécial donné par les autres associés, d’autre part, la demande peut également être faite par tous les associés en préservant leurs droits potentiels.
Quant à la considération de la date d’inscription du contrat portant l’immeuble objet de l’apport en société sur le titre foncier dans la conservation foncière est la date de la signature des statuts, à ce point, on peut soulever une problématique qui peut être se résumer dans la compétence juridictionnelle en matière de la demande de restitution dudit immeuble en raison de la non achèvement des formalités de constitution de la société accompagnée d’une demande de radiation du contrat en question sur le titre foncier, de ce fait, cette compétence revient-elle au juge des référés ou au juge de fond ?
Pour répondre à cette question deux avis doctrinaux se présentent à cette effet, d’une part, le juge des réfères est le compétent en matière de la restitution du bien immeuble objet de l’apport en société en se basant sur la compétence que revient au président du tribunal en matière de la restitution des apports à leurs titulaires et ce pour cause de la non constitution de la société dans un délai de six mois en appliquant cette disposition également sur les apports en nature tant que le législateur est muet à cet égard.
D’autre part, la compétence revient au juge de fond pour statuer sur la demande de récupération et restitution du bien immeuble offert jointe à la demande de sa radiation du titre foncier, puisque, la compétence du p résident de tribunal pour en statuer sur la récupération des apports en générale est une disposition expresse par laquelle le demandeur est dispensé de réunir certaines conditions de fond en rapport avec les ordonnances des référées, en outre, l’article 91 du Dahir d’immatriculation foncière a attribué la compétence au juge de fond, où il a limité les raisons des radiations portées sur un immeuble immatriculé dans les jugements et les actes en excluant des ordonnances judiciaires étant que ces dernières n’acquièrent pas le caractère définitif comme les décisions judiciaires ayant la force de la chose jugée, de ce fait l’intéressé peut faire recours au juge de fond pour récupérer son bien.
L’immeuble comme apport en société dans le cadre de l’augmentation du capital :
La situation financière de la société et le succès de son processus économique peuvent être améliorés par plusieurs méthodes, dont la plus importante est l’augmentation de son capital, en établissant une nouvelle source de financement, elle lui permet de faire face aux difficultés confrontées par elle-même, comme le cas dans lequel la société a l’intention de pénétrer de nouveaux marchés ou élargir son activité à de nouveaux secteurs.
L’importance de ce type en tant que moyen moderne de financement est mise en évidence pour permettre à l’entreprise d’éviter les répercussions négatives des moyens de financement traditionnels, y compris les prêts bancaires, en adoptant la technique d’augmentation de capital, par lequel les associés ou actionnaires procèdent à l’augmentation de la valeur du capital de cette société.
En effet, le fait d’offrir l’immeuble comme apport en société est considéré l’une des méthodes les plus fréquents pour augmenter le capital social d’une société conformément aux dispositions de l’article 183 de la loi 17.95, car cette opération peut se faite par la création de nouvelles actions dont la valeur nominale est égale à la valeur de l’immeuble offert. Il est à noter que l’offre d’un immeuble immatriculé comme apport en société dans le but d’augmenter le capital de la société pose des problèmes qui tournent principalement autour de la détermination de la juridiction compétente dans le cadre de la procédure d’augmentation de capital. A cet égard, le législateur a remis à l’assemblée générale extraordinaire seule la décision d’augmentation du capital de la société dans les sociétés anonymes, toutefois, dans d’autres sociétés, l’assemblée des associés entreprend cette tache. S’il s’agit de l’offre d’un apport pour augmenter le capital d’une société et cette offre fait l’objet d’un immeuble immatriculé, la procédure se déroule selon deux étapes essentielles:Etape 1 : L’assemblée générale extraordinaire prend la décision d’augmenter le capital de la société sur la base d’un rapport établi par le conseil d’administration ou la direction collective selon la forme de la société, Il clarifie toutes les raisons de l’augmentation du capital de la société et comment y parvenir. en plus du contrat objet du transfert de la propriété du bien immobilier et ce qui est nécessaire pour effectuer la procédure de publicité des charges portant sur l’immeuble immatriculé conformément aux dispositions du dahir d’immatriculation foncière, Le rapport indique également le nombre de droits que l’associé obtiendra, et ceci Après avoir évaluer l’apport par le commissaire aux apports et approuvée par l’assemblée générale extraordinaire qui a le pouvoir d’accepter le rapport ou de le modifier. Il est important de signaler que la désignation du commissaire aux apports faite par les associés dans les sociétés à responsabilité limitée en cas de constitution. Le législateur a donné cette faculté seulement aux dirigeants que cela se fasse par l’unanimité des associés ou par voie de faire recours au président du tribunal de commerce pour le nommer, ils ont seuls le droit de demander cette désignation, comme le stipule l’article 78 de la loi 5:96. Cependant, le législateur n’a pas déterminé le compétent en matière de la désignation d’un commissaire aux apports dans les sociétés anonymes.Etape 2 : L’assemblée générale extraordinaire approuve la décision d’augmenter le capital de la société dans un délai de trois ans à compter de la date de la décision de l’augmenter jusqu’à ce qu’il soit confirmé que le processus de libération est terminé, ainsi que, la nécessité pour les gérants d’effectuer toutes les procédures de publicité dans la conservation foncière, car il s’agit d’offrir un bien immatriculé avec des implications qui nuisent à la société en cas de manquement des gérants à cette tâche. Ensuite, l’augmentation du capital de la société doit être publié pour remplacer l’ancien capital, en procédant à la modification de ce qui été inclus sur le registre de commerce et faire publier la décision d’augmentation du capital sur l’un des journaux d’annonces légales. En outre, si l’assemblée générale extraordinaire a le pouvoir de décider l’augmentation du capital dans les sociétés anonymes, elle a également le pouvoir de déléguer cette compétence au conseil d’administration ou directoire selon le mode de gestion choisir, pour une durée déterminée renouvelable plusieurs fois, à condition que ces durées ne dépassent pas trois ans. De ce fait, La procédure d’augmentation du capital de la société comporte deux possibilités, soit l’approbation de l’augmentation de capital soit le contraire, en raison de l’expiration du délai de trois ans à compter de la décision d’augmentation de capital, ou parce que le conseil d’administration ou le directoire n’ont pas exercé leurs pouvoirs à cet égard, ou encore à la suite de la nullité de la décision d’augmenter le capital de la société ou de la décision d’approbation en raison de l’échec de toute procédure requise par la loi. On peut dire, que le fait de confirmer cette nullité entraîne nécessairement la résolution du contrat objet de l’immeuble offert comme apport en société, ceci donne lieu à la radiation dudit acte du titre foncier sur demande de l’associé offrant l’immeuble, avec la possibilité de revenir sur les dirigents en demandant une indemnisation suite au préjudice subi par la violation des dispositions de la décision d’augmentation du capital de la société.